Salut salut ! Aujourd'hui, je te propose de (re)découvrir un texte de Joachim du Bellay. Tu connais sans doute le premier vers ! Joachim était un des membres de la Pléiade. La Pléiade, souviens-toi de l'article sur Ronsard (il était aussi dans la bande), c'est ce groupement d'intellos lettrés qui veulent que la langue française soit aussi classe que l'italien ; mieux même, qu'elle surpasse sa mère latine !
" Heureux qui, comme
Ulysse, a fait un beau voyage,
Ou comme cestuy-là qui conquit la toison,
Et puis est retourné, plein d'usage et raison,
Vivre entre ses parents le reste de son âge ! "
Ou comme cestuy-là qui conquit la toison,
Et puis est retourné, plein d'usage et raison,
Vivre entre ses parents le reste de son âge ! "
Du Bellay raconte ici son long voyage (j'ai un peu abusé sur mon dessin) en insistant sur le plaisir qu'il a eu de rentrer chez lui (home sweet home, comme dirait l'autre). Il se compare donc à
Ulysse, le héros de l'Odyssée et à Jason. Ces deux grands noms de la littérature antique ont vécu des aventures de dingos ! Du Bellay, lui, veut le calme, la tranquillité ; un truc bien zen, quoi. A l'entendre, c'est comme si le
plus grand kiff de son voyage était de retrouver son chez lui.
Tu t'en doutes, le poète va non seulement retrouver sa maison, mais aussi tous ses potes et sa famille. Oui, quand il dit "parents", c'est pas juste son père et sa mère... C'est tous ceux qui ont un lien de parenté avec lui. En gros, c'est la big fiesta quand il rentre au bercail !
"Quand reverrai-je, hélas, de mon petit village
Fumer la cheminée, et en quelle saison
Reverrai-je le clos de ma pauvre maison,
Qui m'est une province, et beaucoup davantage ? "
Seulement, ce n'est pas si simple... Joachim doit encore patienter un moment avant de rentrer chez lui et de fêter toute la nuit. Tout le quatrain que tu viens de lire décrit le logis que le poète a quitté. Tu peux remarquer, dans ce
poème, que le côté matérialiste, attaché aux choses et à la terre, est très
présent.
D'ailleurs, dans le dernier vers de ce quatrain, le poète explique que cet endroit représente beaucoup pour lui. Cette région, c'est sa province, sa patrie.
" Plus me plaît le séjour qu'ont bâti mes aïeux,
Que des palais Romains le front audacieux,
Plus que le marbre dur me plaît l'ardoise fine :
Plus mon Loir gaulois, que le Tibre latin,
Plus mon petit Liré, que le mont Palatin,
Et plus que l'air marin la doulceur angevine. "
Que des palais Romains le front audacieux,
Plus que le marbre dur me plaît l'ardoise fine :
Plus mon Loir gaulois, que le Tibre latin,
Plus mon petit Liré, que le mont Palatin,
Et plus que l'air marin la doulceur angevine. "
Comme tu as pu t'en rendre compte, dans les deux derniers tercets, le
poète compare des trucs qu'il a vus durant son voyage à Rome à
des choses de sa propre région. C'est un chouia répétitif, tu trouves ? Les anaphores (c'est pour dire que ça se répète, mais c'est un plus joli mot) « Plus me
plaît … que ... » se simplifient bientôt en « plus …
que ... ». Du Bellay en aurait-il eu marre de répéter tout le temps la même formule ? Eh non. En fait, ça lui permet d'insister sur le début du vers ;
sur ce qu'il préfère. Pour ne pas que tu t'endormes, le dernier vers rompt ce rythme et inverse carrément les éléments comparés. De la sorte, le poème se conclut sur la
« doulceur angevine » qu'il aime plus que tout (mooooh).
Les références à l'Antiquité sont
très nombreuses. Pour ton confort, j'ai listé les différentes choses à remarquer :
- la forme du poème : un sonnet d'alexandrins
- la présence de héros mythiques
- les monuments, régions, cours d'eau et autres présents dans les deux tercets
Pourquoi, à ton avis ? (repense à ma petite intro)
Joachim du Bellay appartient donc à la
Pléiade. Ils vont façonner la
langue française en y ajoutant de nouveaux mots (ils n'avaient peur de rien !) et en lui donnant une littérature digne de ce nom. Et qu'est-ce qui est à la mode au 16e siècle ? C'est la Renaissance tiens ! On redécouvre l'Antiquité (qu'on avait un peu zappé pendant le Moyen âge). Ce qui est classe à l'époque,
c'est donc ce qui est antique ! Ne ris pas, ce qui est classe aujourd'hui, c'est le vintage ; c'est du vieux aussi !
Dans ce poème, du Bellay imite et fait
clairement référence à la littérature antique. Mais il le fait
en langue française, et ça c'est beau ! Il cite aussi pleins d'éléments de la
culture antique qu'il place toujours en position d'infériorité par rapport à
la culture française qu'il défend avec fierté.
Ce poème a fait l'objet de plusieurs
mises en musique. Dernièrement, Ridan a repris ce sonnet pour en
faire cette chanson. Tu l'as sans doute déjà entendue. Si tu veux la (ré)écouter, n'hésite pas, clique par là :