On commence avec un poème ultra connu, que tu as sans doute dû réciter quand t'étais étudiant. Mais as-tu déjà pris le temps de bien observé comment ce grand Victor Hugo l'avait construit et as-tu ressenti tout le tragique du poème ! Regarde plutôt :
" Demain, dès l'aube, à l'heure où blanchit la campagne
Je partirai. Vois-tu, je sais que tu m'attends.
J'irai par la forêt, j'irai par les montagne.
Je ne puis demeurer loin de toi plus longtemps."
Le poète est déterminé à partir dès demain ! Il se dit prêt à traverser des forêts et des montagnes. Le chemin semble long jusqu'au mystérieux but du poète.
A ce moment du poème, la grande question que tu te poses est sans doute : Mais qui est donc cette personne qui l'attend ? Son amante (Hugo était un peu coureur de jupons) ? En tout cas, tout laisse penser que c'est une personne pour laquelle il serait prêt à tout...
Dans ce premier quatrain, le poète (je) s'adresse à un "tu" dont tu ignores tout. En étant rejeté au début du deuxième vers, le verbe PARTIR met en évident l'idée d'un départ, d'un mouvement. Le poète parle d'une intention qu'il réalisera sous peu. Il s'agit d'un futur proche. Ce qui anime le poète, c'est la volonté d'un rapprochement entre son "je" et ce "tu".
" Je marcherai les yeux fixés sur mes pensées,
Sans rien voir au dehors, sans entendre aucun bruit,
Seul, inconnu, le dos courbé, les mains croisées,
Triste, et le jour pour moi sera comme la nuit."
Chose étrange, toutefois... Le poète semble en pleine prise de tête avec lui-même. Il regarde à l'intérieur de ses propres pensées.
Autour de lui, tout semble flou. Il ne regarde pas la direction qu'il suit ; il ne fixe pas son objectif. Ce quatrain plombe un peu l'ambiance. Tu t'attendais à ce qu'il soit tout emballé de retrouver ce mystérieux "tu"... Et en fait, non.
Un sentiment de solitude et de tristesse envahit le poème. Tu ne comprends plus grand chose... Où se rend le poète ? Qui est ce "tu" ? Je te vois gagné par le suspens...
Au niveau de la forme, ce deuxième quatrain est marqué par la tristesse et la nostalgie. Remarque les nombreuses virgules qui rythment cette strophe. Dans les 3 premiers vers, le nombre de virgules double à chaque nouveau vers. Cette technique rend la lecture, comme la marche du poète, de plus en plus lente. Dans ce quatrain, le "tu" est absent ; le poète te parle uniquement de lui.
" Je ne regarderai ni l'or du soir qui tombe,
Ni les voiles au loin descendant vers Harfleur,
Et quand j'arriverai, je mettrai sur ta tombe
Un bouquet de houx vert et de bruyère en fleur."
Tout comme le poème, le voyage touche à sa fin. Tu viens enfin de découvrir ce que le poète avait derrière la tête : déposer un bouquet sur la tombe du fameux "tu". Je te vois déçu que ce suspens intenable soit rompu de la sorte... Mais reconnaît que, du coup, ça te fous un sacré coup au moral.
Ce dernier quatrain nous apprend l'endroit où souhaite se rendre le poète : une tombe. "Tombe" constitue une rime riche et t'annonce, dès le premier vers, la triste issue du poème. Cette rime est contrebalancée par une autre : "fleur". Ces deux seules rimes te résument le projet du poète.
On retrouve le "tu" sous la forme d'un pronom possessif : TA tombe, qui symbolise aujourd'hui ce "tu" disparu.
Je te vois frustré. Je n'ai toujours pas répondu à ta question. Mais qui est ce "tu" pour finir ?! Ce "tu", c'est Léopoldine, la fille de Victor Hugo, morte noyée quelques années plus tôt. A l'anniversaire de sa mort, le poète faisait un pèlerinage jusqu'à sa tombe. Exilé suite à certaines de ses publications (à l'époque on n'écrivait pas trop ce qu'on voulait), Hugo souffre de ne pouvoir y aller cette année-là.
Le recueil Les Contemplations comprend toute une partie sur le thème du deuil, de la nostalgie et de la douleur éprouvée par un père lorsqu'il perd sa fille.
Ok, je te l'accorde, j'ai plombé l'ambiance. Mais quand tu ne réciteras plus ce poème comme un âne. Maintenant que tu sais tout, t'éprouveras un peu de compassion pour ce pauvre Victor.
Ok, je te l'accorde, j'ai plombé l'ambiance. Mais quand tu ne réciteras plus ce poème comme un âne. Maintenant que tu sais tout, t'éprouveras un peu de compassion pour ce pauvre Victor.
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