jeudi 24 octobre 2013

Jean-Paul Sartre, Huis clos (1943)


Découvre trois individus complètement différents, qui ne se connaissent pas entre eux. Enferme-les dans un appartement pendant une période illimitée. Ca te fait penser à une nouvelle émission de télé-réalité ? Mais ici, pas d'éliminé... C'est la vision de l'enfer de Jean-Paul Sartre. Pour lui, pas de flammes, de démons et d'outils de torture ; l'enfer, c'est bel et bien les autres.

Jean-Paul Sartre a écrit cette pièce en ayant l'intention de la faire jouer par ses trois meilleurs amis. Mais le philosophe ne veut pas créer d'embrouille avec ses potes. Il se creuse la tête pour que chacun des rôles aient la même importance. Et voilà, Huis clos est né.

Avant d'aller plus loin dans mon explication, je veux te remémorer les bases de l'existentialisme, tu sais, cette philosophie de la moitité du 20e siècle ? Ca te semble hyper complexe ? Ca ne l'est pas tant que ça ! D'ailleurs, on pourrait résumer tout ça avec une seule phrase :

L'existence précède l'essence
Quésako ?


En gros, toi, moi et l'Humain avec un grand H, on est défini par ce qu'on fait. Jusque là, on avait tenter de mettre les humains dans des catégories et de leur faire croire que leur destin était déjà tout tracé.
Mais Sartre révolutionne tout ça ! Non, ta vie n'est pas prédéfinie par quoi que ce soit. Ce sont tes actes, tes choix qui vont te façonner, faire de toi qui tu es. Ton existence (ce que tu fais, vis) précède donc ton essence (qui tu es). Qui que tu sois, tu peux devenir très riche comme tu peux te retrouver à la rue !


L'homme se forme donc lui-même et maîtrise totalement son avenir. Et je peux te dire que c'est vraiment un concept nouveau à l'époque ! Jusqu'alors, l'humain était une marionnette manipulée par toutes sortes de croyances. L'homme était dans une attitude de soumission, de fatalité. Avec sa philosophie existentialiste, Sartre le libère des fils qui le tenait prisonnier. Le pantin devient un être capable de se prendre en mains, d'être responsable de son avenir.

Comme je te l'ai dit, il y a trois personnage dans Huis clos : le lâche Garcin, Inès l'homosexuelle et Estelle, la jeune mondaine. Ils se retrouvent en enfer car ils ont commis des fautes que je ne vous révélerais pas ici (on ne sait jamais, si mon article vous donne envie de lire la pièce...). Au fur et à mesure de la pièce, les trois personnages vont devenir dépendants des deux autres.

Garcin et Estelle sont amoureux l'un de l'autre. Ils pourraient donc former un couple et briser le triangle. Cependant, Garcin a besoin de convaincre Inès qu'il n'a pas été le lâche qu'elle croit. Inès, elle, est amoureuse d'Estelle et refuse de les laisser vivre leur amour. Du coup, Garcin ne parvient pas à aimer Estelle tant que Inès les observe.


Bref, ils pourraient essayer, chacun, de vivre l'éternité peinard dans leur coin. Mais Sartre a remarqué que l'humain, même s'il était 100 % libre et autonome, serait toujours soumis au regard des autres. Les autres peuvent te juger, te féliciter ou t'ignorer. Tu voudras toujours que tes choix et tes actes soient validés par les autres. En quelques sortes, les autres sont le dernier fil qui peut manipuler la marionnette humaine.
Quand Sartre dit que l'enfer c'est les autres, ne crois donc pas que c'est est un associal fini. Il remarque juste que les autres sont des miroirs de nous-même. Quand tu essayes de te construire, de te connaître, tu vas nécessairement intégrer les jugements, les regards et les pensées des gens qui t'entourent. Parfois, l'être humain dépend totalement du jugement d'autrui pour être lui-même et vit donc un enfer. C'est plus clair ?


Pour la petite histoire, Sartre a eu une relation avec Simone de Beauvoir. Elle a donné à l'existentialisme sa part de féminité (de féminisme) avec cette phrase : 
On ne naît pas femme, on le devient

A l'époque, la femme était vouée à être femme au foyer, mère et épouse. De Beauvoir révolutionne cette destinée déjà toute tracée. Ce n'est pas parce qu'on naît avec un sexe féminin que notre destin de femme est déjà prédéfini. Il faut le construire soi-même. 




vendredi 11 octobre 2013

L'incroyable projet d'Emile Zola

Le Naturalisme

Aujourd'hui, je te propose de quitter la poésie et de découvrir le projet un peu fou de Zola : les Rougon-Macquart ! Pour bien comprendre, je te propose d'abord de te souvenir de ce qu'est le naturalisme. Au commencement, il y avait le romantisme avec ses envolées lyriques et ses sentiments exacerbés. En art, bien souvent, chaque nouveau mouvement s'oppose au précédent. Les artistes trouvaient le romantisme un peu too much et voulait faire quelque chose de plus simple, de plus réel. Ce sera... le réalisme ! Mais dans le réalisme, il y a un petit groupe de gars qui veulent aller plus loin dans le trip réaliste. Ce seront les naturalistes. Ils veulent quelque chose de réel, c'est sûr, mais qui soit décrit de façon objective, scientifique ! Du coup, Zola, avant chacun de ses bouquins, mène de véritables enquêtes sur le terrain et prend pleins de notes pour tout replacer dans son histoire.



L'idée de Zola

Emile Zola, orphelin à 7 ans, veut vivre de sa plume. C'est louable, mais il faut bien se nourrir et se vêtir. Avant de trouver LA bonne idée qui le rendra célèbre, Zola enchaîne pleins de petits boulots différents. Il publie en 1867 Thérèse Raquin qui remporte un certain succès. En gros, Thérèse est mariée à son cousin Camille (ça commence fort). Toutes les semaines, Laurent, un pote de Camille vient souper avec eux mais bientôt, Thérèse et Laurent auront une liaison torride et chercheront à se débarrasser de Camille.

A côté du succès de ce livre, Zola s'inspire de La comédie humaine de Balzac. Mais lui va faire plus fort ; si si ! Il pense raconter l'histoire naturelle et sociale d'une famille sous le Second Empire en 10 volumes. Je t'explique le principe : chaque volume se centrerait sur un des membres de la familles. Emporté dans son élan, Zola en écrit 20 donnant lieu à un arbre généalogique dingo ! Comme tu vois sur mon beau dessin, il est possible que des cousins aient des gosses ensemble.




Les Rougon-Macquart

Selon la théorie « scientifique » de Zola, le comportement de chacun est influencé par deux choses : l'hérédité (les gènes) et le milieu social dans lequel on vit (un quartier miteux ou une maison bourgeoise). Du coup, pour Zola, quoi que tu fasses, si t'as des parents foireux et un milieu social pourri, t'es grillé ; ton destin est foutu d'avance. Les romans du cycle des Rougon-Macquart alternent donc des ascensions sociales formidables suivies de descentes radicales dans la misère.





Ces personnages vont se retrouver dans toutes les sphères de la société du Second Empire. Du coup, les histoires de ces personnages seront des prétextes pour observer au microscope la société de l'époque : l'église, le commerce, l'armée, la politique, le monde ouvrier et l'organisation du travail.

Le projet de Zola a donc deux objectifs :
  1. faire des expériences avec les membres d'une famille, observer leur comportement et leur évolution (si untel épouse une autre, comment finiront leurs enfants?)
  2. dresser un portrait complet, objectif (scientifique même) de la société du Second empire.



Petit exemple pour vous que tu visualises le concept :
Gervaise Macquart, blanchisseuse (L'Assomoir) a un amant, Lantier, avec qui elle va avoir deux enfants Etienne Lantier, mineur (Germinal) et Jacques Lantier, mécanicien (La Bête Humaine). Il va l'abandonner à Paris. Elle va ensuite rencontrer un autre homme, Coupeau, qui vient d'une famille d'alcoolique et qui mourra d'ailleurs d'avoir trop bu. Avec lui, elle aura une fille, Anna Coupeau (Nana) qui finira dans le monde de la prostitution. Bref, en ayant un père alcoolique et en vivant dans les quartiers mal famés de Paris, pour Zola, on finit dans la prostitution.

Le Second Empire

Je te parle du Second Empire depuis 10 minutes et tu te demandes sans doutes quelles sont les particularités de l'époque. A ce moment-là, socialement,c'était assez tendu en fait... Le Second Empire commence en 1852, lorsque le président Louis-Napoléon Bonaparte devient Napoléon III, empereur des Français (rien que ça!).
Le milieu du XIXe siècle est synonyme de révolution économique. La politique économique favorise les audaces et les innovations car elle vise une relance après la dépression économique du début du siècle. On note le développement des chemins de fer, l'apparition des grands magasins, l'extraction de charbon pour faire fonctionner toutes les nouvelles machines,...
A côté de ça, Napoléon n'a pas trop l'appui des bourgeois et des libéraux. Il voudrait avoir l'appui des petites gens. Il supprime la loi Le Chapelier et autorise, du coup, la réunion des ouvriers et les grèves (comme dans Germinal, par exemple).

Cette époque peut donc être synonyme d'ascension sociale, mais aussi de désenchantements et de misère innommable  Zola raconte différents destins : ceux de riches marchands ou de pauvres ouvriers, brossant ainsi, au terme de ses 20 romans, un portrait ultra-complet de cette société.



Voilà, maintenant que tu sais tout sur l'oeuvre de Zola, tu pourras t'amuser à (re)lire les romans en essayant de retrouver qui est le fils, le cousin ou le frère de qui et tu pourras reconstruire l'arbre généalogique imaginé par l'auteur.