Découvre trois individus complètement
différents, qui ne se connaissent pas entre eux. Enferme-les dans un
appartement pendant une période illimitée. Ca te fait penser à une
nouvelle émission de télé-réalité ? Mais ici, pas
d'éliminé... C'est la vision de l'enfer de Jean-Paul Sartre. Pour
lui, pas de flammes, de démons et d'outils de torture ;
l'enfer, c'est bel et bien les autres.
Jean-Paul Sartre a écrit cette pièce
en ayant l'intention de la faire jouer par ses trois meilleurs amis.
Mais le philosophe ne veut pas créer d'embrouille avec ses potes. Il
se creuse la tête pour que chacun des rôles aient la même
importance. Et voilà, Huis clos est
né.
Avant d'aller plus loin dans mon explication, je veux te remémorer
les bases de l'existentialisme, tu sais, cette philosophie de la
moitité du 20e siècle ? Ca te semble hyper complexe ? Ca
ne l'est pas tant que ça ! D'ailleurs, on pourrait résumer
tout ça avec une seule phrase :
L'existence précède l'essence.
Quésako ?
En
gros, toi, moi et l'Humain avec un grand H, on est défini par ce
qu'on fait. Jusque là, on avait tenter de mettre les humains dans
des catégories et de leur faire croire que leur destin était déjà
tout tracé.
Mais
Sartre révolutionne tout ça ! Non, ta vie n'est pas prédéfinie
par quoi que ce soit. Ce sont tes actes, tes choix qui vont te
façonner, faire de toi qui tu es. Ton existence (ce que tu fais, vis) précède donc ton
essence (qui tu es). Qui que tu sois, tu peux devenir très riche comme tu peux te retrouver à la rue !
L'homme se forme donc lui-même et maîtrise totalement son
avenir. Et je peux te dire que c'est vraiment un concept nouveau à
l'époque ! Jusqu'alors, l'humain était une marionnette
manipulée par toutes sortes de croyances. L'homme était dans une
attitude de soumission, de fatalité. Avec sa philosophie existentialiste, Sartre le libère des fils qui le tenait prisonnier.
Le pantin devient un être capable de se prendre en mains,
d'être responsable de son avenir.
Comme
je te l'ai dit, il y a trois personnage dans Huis clos : le
lâche Garcin, Inès l'homosexuelle et Estelle, la jeune mondaine.
Ils se retrouvent en enfer car ils ont commis des fautes que je ne
vous révélerais pas ici (on ne sait jamais, si mon article vous
donne envie de lire la pièce...). Au fur et à mesure de la pièce,
les trois personnages vont devenir dépendants des deux autres.
Garcin
et Estelle sont amoureux l'un de l'autre. Ils pourraient donc former
un couple et briser le triangle. Cependant, Garcin a besoin de
convaincre Inès qu'il n'a pas été le lâche qu'elle croit. Inès,
elle, est amoureuse d'Estelle et refuse de les laisser vivre leur
amour. Du coup, Garcin ne parvient pas à aimer Estelle tant que Inès
les observe.
Bref, ils pourraient essayer, chacun, de vivre l'éternité peinard dans leur coin. Mais Sartre a remarqué que l'humain, même s'il était 100 % libre et autonome, serait toujours soumis au regard des autres. Les autres peuvent te juger, te féliciter ou t'ignorer. Tu voudras toujours que tes choix et tes actes soient validés par les autres. En quelques sortes, les autres sont le dernier fil qui peut manipuler la marionnette humaine.
Quand Sartre dit que l'enfer c'est les autres, ne crois donc pas que c'est est un associal fini. Il remarque juste que les autres sont des miroirs de nous-même. Quand tu essayes de te construire, de te connaître, tu vas nécessairement intégrer les jugements, les regards et les pensées des gens qui t'entourent. Parfois, l'être humain dépend totalement du jugement d'autrui pour être lui-même et vit donc un enfer. C'est plus clair ?
Pour la petite histoire, Sartre a eu une relation avec Simone de Beauvoir. Elle a donné à l'existentialisme sa part de féminité (de féminisme) avec cette phrase :
On ne naît pas femme, on le devient.
A l'époque, la femme était vouée à être femme au foyer, mère et épouse. De Beauvoir révolutionne cette destinée déjà toute tracée. Ce n'est pas parce qu'on naît avec un sexe féminin que notre destin de femme est déjà prédéfini. Il faut le construire soi-même.